Nous, les enfants de la famille Habyarimana, sommes profondément attristés et outrés par les récentes attaques médiatiques selon lesquelles notre mère, Madame Agathe Kanziga, aurait planifié et commis des atrocités au Rwanda lors du génocide de 1994.
Nous condamnons cette constante manipulation des médias, ces pratiques diffamatoires bien orchestrées par le régime de Kigali, par certains étrangers, des Français y compris, qui continuent sans relâche de propager et de maintenir une culture de soutien au mensonge. Nous sommes d’avis que ces propos diffamatoires sont diffusés intentionnellement dans le seul but de nuire à la réputation de notre maman et procèdent principalement du refus absolu de dire la vérité sur la tragédie rwandaise.
Il serait grand temps de lever le voile sur l’attentat du 6 avril 1994, qui a causé la mort de deux chefs d’État en exercice, à savoir le Président Juvénal Habyarimana et le Président Cyprien Ntaryamira, de leurs proches collaborateurs ainsi que des membres français de l’équipage. Cet acte terroriste, lâche et ignoble, dont les ennemis de la vérité étouffent dans l’œuf tous les efforts visant à l’élucider, a été reconnu par les Nations Unies comme étant l’événement déclencheur du génocide au Rwanda. Ce point crucial est délibérément omis dans la chasse aux sorcières qui vise notamment notre mère, rescapée et endeuillée par l’assassinat de son mari, alors qu’elle est innocente. Les auteurs de cette propagande désobligeante oublient délibérément qu’aucun tribunal, et encore moins le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), n’a jamais accusé Madame Agathe Kanziga de quelque crime que ce soit.
Que l’on sache, avant tout, que notre maman, Madame Agathe Kanziga, n’a jamais été engagée politiquement; elle n’a jamais tenu d’office public et, depuis son mariage, en 1963, elle est restée femme au foyer. Les réunions secrètes dont on lui attribue malicieusement l’organisation, voire la présidence, relèvent de la pure fabulation. Le spectre de l’Akazu longtemps brandi par les détracteurs de tout acabit, a fait long feu lorsque le TPIR a pris acte du fait qu’il s’agissait d’une invention des opposants politiques mus par la prime intention de nuire au Président Habyarimana. Notre oncle Protais Zigiranyirazo, dont la propagande médiatique a voulu faire, ensemble avec notre mère, la pierre angulaire de l’Akazu, n’a-t-il pas été acquitté par le TPIR de toutes les charges dont il avait été accusé?1 L’on oublie, sans doute délibérément, que, dès le 9 avril 1994, notre mère a fait l’objet d’une évacuation catastrophe sur Bangui, en République Centrafricaine, où elle est restée des semaines dans un isolement de fait compte tenu des moyens de communication de l’époque… L’on s’imagine mal comment, dans ces conditions, une veuve prostrée par la perte inopinée de son mari qu’elle n’a même pas pu enterrer, se mettrait à donner des ordres opérationnels à des militaires et à des politiciens restés au Rwanda dont elle ne maîtrisait pas les réseaux…
Le postulat de l’Akazu était un des piliers qui soutenaient la thèse de la planification du génocide. L’écroulement de ces piliers, un à un, devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, a amené ce dernier à conclure que le génocide de 1994 n’avait été ni planifié ni programmé2, du moins par les personnes (rien que des Hutus) en sa détention, puisqu’il n’a jugé qu’une seule des deux parties belligérantes. Cela, tous ceux qui suivent de près le dossier rwandais le savent. Ils savent aussi que les vrais planificateurs de la tragédie rwandaise sont ceux qui ont déclenché la guerre en octobre 1990 et ont commandité l’attentat du 6 avril 1994, sans lequel ils n’ auraient pas réussi à prendre le pouvoir. Ainsi, à la faveur du chaos et de la désolation qu’ils ont provoqués, ils se sont fait passer pour des libérateurs, tel un pyromane pompier.
Mais les détracteurs de notre mère continuent de la traîner dans la boue au motif de planification du génocide. Seraient-ils détenteurs de preuves inédites? Pourquoi ne les présentent-ils pas à ce même Tribunal qui continue d’être opérationnel? Notre conviction est que leurs intentions véritables sont ailleurs : ils cherchent tout simplement à continuer de harceler notre mère, de la museler, de la diaboliser. Puisqu’elle est un témoin gênant de l’attentat qui a mis le feu au poudre, puisqu’elle demande justice pour l’assassinat de son mari, ils cherchent à la dépouiller de tout soutien et à la faire taire à tout prix. Ils savent très bien que leurs allégations n’ont aucune matérialité juridique. Ni en droit ni dans les faits. Hélas, une grande partie de l’opinion publique continue de les suivre dans cette entreprise de démolition gratuite. Elle est sous la coupe de certains médias qui, soit ne sont pas au fait du dossier rwandais, soit ont choisi d’occulter la vérité dans ce dossier. Ce sont ces mêmes médias qui, avec leurs commanditaires, ne veulent pas que la lumière soit faite sur l’attentat contre l’avion du Président Habyarimana.
Notre maman ne cesse de crier haut et fort son innocence et sa volonté de se défendre. Notre maman ne se cache pas et elle est toujours prête à répondre aux questions que la justice française se poserait sur elle.
Sous un autre angle, comment ne pas être révoltés par la position de non-assistance dont la France fait preuve à l’égard de notre mère? Les mots ne suffisent pas pour exprimer notre indignation devant le fait que, la France, le pays de naissance de ce que le monde moderne appelle les droits de l’Homme, la France, pays signataire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, la France, membre éminent des institutions de l’Union Européenne, n’ait jamais voulu assurer la moindre jouissance de ces droits à notre mère. Bien au contraire, comme le laisse entendre la couverture médiatique de la dernière visite du Président Macron à Kigali, notre mère est en train de faire l’objet de marchandages abjects pour, en fin de compte, être sacrifiée sur l’autel des jeux politico-diplomatiques.
Nous crions haut et fort : assez aux accusations gratuites, au harcèlement, à la persécution et au bafouement des droits fondamentaux! Notre mère est innocente de tous les crimes dont on l’accuse. L’injustice et la calomnie ont trop duré! Nous demandons que les droits fondamentaux de notre mère en tant qu’être humain et en tant que femme soit respectés, que sa douleur soit entendue. Pour notre mère, qui bientôt va avoir ses 80 ans, ne serait-il pas temps qu’on la laisse, enfin, vivre son deuil, retrouver dans ses vieux jours un semblant de normalité et vivre en paix?
Fait à Paris, le 20 juin 2021
Les enfants de la famille Habyarimana
1 Case No.ICTR-01-73-A. L’acquittement a été prononcé le 16 novembre 2009. Lien
2 Bernard Lugan. Rwanda : Un génocide en questions. Éditions du Rocher, 2014 Lien