Le 8 octobre 2008, le gouvernement rwandais annonçait sa décision de transformer en musée du génocide la résidence familiale de feu le président Habyarimana, assassiné le 6 avril 1994 dans un attentat terroriste contre son avion. Cette résidence privée est située à Kanombe, zone périphérique de Kigali, près de l’aéroport, ce qui explique pourquoi l’avion présidentiel lâchement abattu, alors qu’il procédait à l’atterrissage, s’est échoué dans l’enceinte même de la propriété familiale.
Nous, la famille du président Habyarimana, dont l’assassinat a entraîné les massacres que tout le monde connaît, dénonçons la perfidie, la mauvaise foi et l’ignominie manifestes, motivés par cette décision prise par le régime de Kigali, qui prétend le faire pour promouvoir la réconciliation et l’unité du peuple rwandais.
Face à ce geste arrogant et sadique, nous avons jugé important d’informer les Rwandais, ainsi que tous ceux qui aspirent sincèrement au bien-être de l’ensemble du peuple rwandais et à sa réelle réconciliation, de ce qui suit.
Premièrement, cette résidence est entièrement une propriété privée, bâtie sur un terrain dont le président Habyarimana a fait acquisition en 1965. Il n’a dépensé aucun dénier de l’État rwandais pour l’acquisition du terrain ni pour toute construction qu’il y a effectuée par la suite.
Il nous semble aussi très important de préciser que, contrairement à des allégations lancées dès la prise du pouvoir par le FPR, le président Habyarimana n’a jamais vendu cette propriété à qui que ce soit et aucun de ses ayant-droits ne l’a fait après sa disparition.
Au cours des premières années de sa présidence, le président Habyarimana a vécu dans la résidence présidentielle officielle de Kiyovu, à Kigali; la même qu’il occupait lorsqu’il était ministre de la Défense. Vers le début des années 80, il décide de s’installer dans sa maison privée de Kanombe, qui lui permettait de s’éloigner des tracas de la ville, d’être entouré de la nature, de l’agriculture et de l’élevage qu’il affectionnait tant, tout en étant à une distance raisonnable du centre de la ville où ses bureaux de fonction étaient situés. Il n’a jamais déplacé ou éloigné les habitations des paysans voisins de sa propriété, signe de la paix, la sécurité et la confiance qui régnaient dans le pays avant la guerre d’agression déclenchée par le FPR le 1er octobre 1990. Même après le début de la guerre, le président a toujours refusé de céder à une norme de sécurité qui imposait l’expropriation de ses voisins pour la création d’un cordon de sécurité autour de sa résidence. Malgré cette guerre, il n’a par ailleurs jamais dérogé à son habitude de recevoir en sa résidence ses voisins agriculteurs et cultivateurs le 1er août de chaque année, fête nationale de la moisson, pour une réception conviviale dans laquelle le protocole n’avait pas sa place.
Pour commencer, le président y avait construit une petite maison de campagne pour les détentes de week-end. Lorsqu’il y emménage définitivement, il construit une autre maison qu’il agrandit et transforme petit à petit, en fonction des besoins de la famille grandissante – 8 enfants.
Le président Habyarimana a toujours veillé à séparer les affaires d’État de sa vie familiale, contrairement à ce que certains, dont le régime de Kigali, veulent insinuer. Cela ne l’a jamais empêché d’accomplir consciencieusement aussi bien son rôle d’homme d’État et de citoyen, que celui de père de famille.
Les porte-parole du gouvernement rwandais font état de la présence d’une boîte de nuit et d’une chapelle dans la résidence, qu’ils semblent vouloir présenter comme un fait incongru. Ce qu’ils appellent la boîte de nuit était un local aménagé au sous-sol de la maison, idée et conception exclusive du fils aîné, diplômé en architecture, qui l’avait imaginée pour le divertissement des enfants et de leurs amis – ce qui est normal. Il n’avait rien d’extraordinaire, juste une piste, des jeux de lumière et un salon. Le Président ne s’est pas opposé à cette idée car il préférait que ses enfants s’amusent à la maison, avec leurs amis, plutôt que de sortir dans des clubs de la capitale. La maison comportait également une chapelle au dernier étage, et encore là, rien d’insolite pour une famille chrétienne pratiquante.
Alors, de quel droit le gouvernement actuel s’approprie-t-il et use-t-il à sa guise un bien privé sans aucune consultation ni la moindre considération des ayants droit ? Comment peut-il, au nom de l’unité et de la réconciliation, spolier les biens d’autrui, d’une famille, d’une partie d’un peuple qu’il prétend défendre ? Quel bel exemple de transparence, de dignité, de noblesse et de respect !
Deuxièmement, le gouvernement du FPR soutient que la maison a été laissée telle qu’elle a été trouvée lors de sa prise du pouvoir, voilà plus de 14 ans. En même temps, il dit que la maison est restée inhabitée pendant 8 ans. Les nouveaux seigneurs du Rwanda affirment-ils donc qu’ils n’ont jamais rien pillé, rien transformé de notre maison et de ses jardins ? Et pourquoi ne parlent-ils pas de l’autre période – 14 ans moins 8 ans, donc 6 ans – où cette maison a été habitée depuis qu’ils ont pris le contrôle du Rwanda?
Les informations fournies aux médias la décrivent comme étant une maison luxueuse, équipée de lustres d’or, de grands salons en cuir, et d’autres caractéristiques que nous ne lui reconnaissons pas.
On ne se laissera pas berner par les autorités rwandaises qui prétendent que son contenu est resté inchangé, surtout quand elles omettent sciemment de préciser que certains de leurs membres ont occupé cette maison et n’expliquent pas ce qu’ils en ont fait.
Par ce communiqué, nous la famille du président Habyarimana voulons tout particulièrement préciser que ce n’est pas l’usurpation de la propriété que nous déplorons le plus. Nous déplorons et dénonçons surtout, et avec force, le geste éhonté, cynique, l’utilisation malhonnête, mal intentionnée et arrogante d’un bien privé pour véhiculer un message biaisé, visiblement nuisible et visant à camoufler les méfaits de ses signataires. Ainsi, les véritables instigateurs du désastre qui a touché tout le peuple rwandais sans exception, se permettent d’associer une maison familiale, acquise honnêtement, à un génocide qu’ils ont eux-mêmes provoqué. Il s’agit d’une pure manipulation de l’opinion publique, d’un message porteur de lourdes conséquences et en même temps un moyen désespéré de fausser l’histoire en rejetant sur un homme et sur sa famille la lourde responsabilité dont les auteurs cherchent à se défaire à tout prix, alors que ce n’est plus qu’un secret de Polichinelle.
Ce n’est pas parce que le FPR a décidé d’en faire son ennemi, l’a traité de tous les maux pour justifier une guerre meurtrière, l’a combattu en attaquant de l’Ouganda et a fini par le tuer, qu’il doit présenter le président Habyarimana comme l’ennemi du peuple rwandais. Il ne faut pas oublier que le président Habyarimana a servi son pays avec dévouement et sincérité. Il n’a jamais semé la division ni la haine. Même s’il a hérité de la division ethnique, il a toute sa vie travaillé pour la réconciliation, la paix et l’unité de tous les Rwandais, toutes ethnies confondues. Toute personne bien intentionnée reconnaîtrait qu’il y était parvenu avant que le FPR n’impose cette guerre si meurtrière au peuple rwandais. Cette guerre que le FPR préparait dans le dos de tous ceux qui s’investissaient dans la consolidation des acquis en matière de paix, d’unité et de développement, a prouvé que le FPR était purement motivé par la soif du pouvoir et la convoitise des richesses souterraines de la République Démocratique du Congo, au détriment du bien-être des populations.
Le président Habyarimana a été lâchement assassiné alors qu’il tentait de protéger le peuple rwandais dans lequel il s’était complètement investi. Il essayait de ramener cette paix que le FPR avait fait voler en éclat, cette paix qu’il a toujours défendue avec courage et dévouement pendant toute sa gouvernance, cette paix en laquelle il a toujours cru. Par des accusations purement gratuites, le FPR prêche le non-respect de la mémoire d’un homme qui a servi son pays et son peuple.
En prétendant promouvoir la réconciliation, le FPR fait la promotion de la culture du mensonge, du mépris, de la provocation et de la loi du plus fort. Nous ne voyons vraiment pas en quoi transformer en musée du génocide la résidence privée du Président Habyarimana contribuera à ramener l’unité et la réconciliation du peuple rwandais.
Nous estimons que cette unité et cette réconciliation doivent nécessairement passer par l’établissement de la vérité et des responsabilités de tous les acteurs rwandais ou étrangers, dans ce drame qui a ensanglanté le Rwanda et l’ex-Zaïre, et où sont morts des Hutu, des Tutsi, des Twa, des Congolais et des étrangers.
Nous estimons que cette unité et cette réconciliation doivent nécessairement passer par une vraie justice intègre, impartiale, équitable, jugeant toute personne quelle qu’elle soit, impliquée dans ce drame.
Nous espérons par ailleurs que l’épave du Falcon 50 gisant encore dans cette résidence privée de Kanombe livrera un jour ses secrets quant aux commanditaires et aux exécutants de l’attentat terroriste qui a coûté la vie au Président Habyarimana du Rwanda, à son homologue du Burundi le Président Cyprien Ntaryamira ainsi qu’à leurs collaborateurs et aux membres de l’équipage français.
Nous mettons en garde l’opinion nationale et internationale de ne pas se laisser duper par un régime qui se fait de plus en plus maître de la manipulation et du chantage pour faire oublier ses crimes qui endeuillent les populations du Rwanda et de toute la région des Grands Lacs depuis 1990.
Encore une fois, et comme disait toujours le président Habyarimana, « l’histoire jugera ».
Fait à Paris le 27 octobre 2008
La famille Habyarimana