La cour d’appel de Paris a confirmé, ce vendredi 3 juillet, le non-lieu prononcé fin 2018 pour neuf Rwandais, proches de Paul Kagame, dont sept qui étaient mis en examen, dans l’enquête sur l’attentat contre l’avion du président Habyarimana, considéré comme déclencheur du génocide de 1994 au Rwanda.
C’est une étape judiciaire importante dans cette procédure entamée il y a plus de vingt ans. Et ce vendredi matin, l’audience se déroulait à huis clos. Elle n’a duré que quelques minutes. Après six mois de délibérations, les magistrats de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris ont confirmé la décision des juges antiterroristes. Ces derniers avaient ordonné l’abandon des poursuites contre neuf membres ou anciens membres de l’entourage de l’actuel président rwandais, Paul Kagame. La Cour a simplement annoncé sa décision, la confirmation du non-lieu, sans plus d’explications. Ses motivations ne seront transmises aux parties qu’en début de semaine prochaine.
Pour Maître Léon Lef Forster, qui défend les suspects rwandais, cette décision est une étape fondamentale pour ses clients injustement incriminés, diffamés et malmenés durant plus de vingt ans de procédure.
C’est une étape, une étape fondamentale, puisque c’est une confirmation d’une décision de non-lieu, ce qui n’est pas dérisoire. La Cour nous a indiqué qu’il y avait à peu près soixante-quatre pages d’arrêt, donc c’est une décision qui sera largement et très clairement motivée. Nous verrons que dans la façon dont elle est motivée, il est certain que pour nous, c’est déjà une première étape importante. La satisfaction, nous ne l’aurons jamais dans ce dossier. Parce que, pour les personnes qui ont été poursuivies, cela a été une vingtaine d’années de galère. Cela a été une diffamation permanente, cela a été une pollution de leur identité et de la réalité des faits. On s’est trouvé dans les processus classiques des génocides, où on prête aux victimes la responsabilité des actes qu’ils ont vécus. En tout état de cause, parler de satisfaction serait aller trop loin. Mais c’est déjà une première étape qui est une forme de soulagement.
C’est un soulagement donc, mais pas une réelle satisfaction, souligne-t-il, car la lumière n’est toujours pas faite sur l’attentat et la procédure n’est toujours pas close. Effectivement, les avocats des proches des victimes de cet attentat ont indiqué, dès la sortie de l’audience, qu’ils allaient se pourvoir en cassation.
Maître Philippe Meilhac, qui défend notamment la veuve de l’ex-président Habyarimana, s’est dit déçu mais pas surpris par cette décision qui ne va pas dans le sens de la manifestation de la vérité, selon lui.
C’est une décision qui ne nous surprend pas. Malheureusement, nous sommes habitués -les parties civiles-, depuis plus de vingt ans, à ce que des décisions, qui finalement ne vont pas, et c’est ce que l’on regrette en premier lieu, dans le sens de la manifestation de la vérité. La faute n’est pas nécessairement à la justice française. Il y a une chape de plomb dans ce dossier, qui est une connotation politique évidente, qui est omniprésente depuis le début de l’affaire. Il ne vous a pas échappé que ces derniers jours, le chef de l’État rwandais lui-même montait au créneau par voie de presse, en laissant sous-entendre qu’il ne valait mieux pas que la justice française fasse de nouvelles investigations pour la coopération entre la France et le Rwanda.
« Il y a une chape de plomb dans ce dossier qui a une connotation politique évidente, qui est omniprésente depuis le début de l’affaire », a déploré l’avocat, avant de pointer que le chef de l’État rwandais serait lui-même monté au créneau par voie de presse, pour expliquer qu’il ne valait mieux pas que la justice française fasse de nouvelles investigations pour la coopération entre les deux pays. « Les familles, affirme Maître Meilhac, restent en tout cas déterminées à poursuivre ce combat judiciaire. »
« La cour d’appel est passée à côté de sa responsabilité historique », estime de son côté François Graner, membre de l’association Survie. Il reproche à l’instruction d’avoir pendant plus de 20 ans « éludé la piste de la responsabilité des extrémistes Hutus et de leurs soutiens français dans cet attentat, pour des raisons là aussi politiques. » En ne désignant pas de coupable, la justice laisse selon lui le champ libre « à toutes les théories », y compris les théories « négationnistes ».