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  • Jeune Afrique N° 1474
    Il faut être fier de son origine, qu'elle soit hutu, tutsi ou twa. Mais ce qui importe, avant tout, c'est que chacun se considère comme un Rwandais à part entière.

Écrire sur la vie de mon cher oncle prendrait toute une vie…

Son humilité

Toute la famille de mon oncle allait venir nous rendre visite à Butare, dans notre petite maison de quatre chambres. Mes parents étaient alors très enthousiastes; tout devait être parfait : la nourriture, la propreté dans la maison, l’hébergement, les endroits à visiter…Ma mère avait sorti sa « superbe » lingerie : les nappes pour la décoration, son plus beau couvre-lit tout blanc car mon oncle et ma tante allaient dormir dans la chambre de mes parents. Je me demandais pourquoi ils en faisaient tant alors que ce n’était que le frère avec sa famille qui venait rendre visite à son frère qui est mon père.

Mon père nous avait assis ensemble, mes 5 frères et sœurs et moi, nous interdisant catégoriquement de ne répéter à quiconque de nos camarades de cette visite spéciale car nous devions rester humbles à l’image de mon oncle.

Ils sont enfin arrivés, le samedi. C’était alors une folle joie, quatre parents et quatorze enfants dans cette petite maison. Mon père avait demandé à notre bon voisin de nous prêter quelques chambres dans sa maison car nous n’avions pas assez de places pour dormir. Nous avons passé une excellente soirée en famille.

Le lendemain, nous nous sommes tous préparés pour aller faire un peu de tourisme; je m’attendais à ce que mon oncle taquine mon père de la petitesse de notre salle de bain à la fin de sa toilette mais il n’en a rien fait. Au fond, cela ne le dérangeait pas car il était humble dans son cœur. Ce qui était important était que l’on soit réuni tous ensemble, joyeux et en bonne santé, le reste était accessoire.

Son amour pour la nature

Après le petit déjeuner, fait entre autres de pâté que mon oncle aimait beaucoup, nous avons pris la route pour la forêt vierge équatoriale de Nyungwe, dans le sud-ouest du Rwanda. Nous nous sommes arrêtés quelque part au milieu de la route qui traversait la forêt jusqu’à la frontière du Congo RD. Nous avons pris alors des battons et nous avons pénétré la forêt à travers des sentiers tracés pour les touristes. Mon oncle s’arrêtait presque à chaque arbre, chaque arbuste ou plante nous disant son nom en kinyarwanda et en latin et nous parlant de leurs vertus pour ceux qui en avaient. Moi j’étais fascinée de voir avec quelle aisance et quelle facilité il parlait comme s’il lisait dans un livre. Pour moi, il était impossible de connaître tout cela, à moins que l’on soit un guérisseur traditionnel ou un scientifique spécialisé en flore.

Discipline

Un exemple de discipline parmi une multitude : c’était les grandes vacances et tous les enfants étaient ensemble à Kanombe. Comme tout adolescent qui se respecte, nous avions passé une nuit presque blanche, nous couchant aux heures du petit matin. Mon oncle nous a tous réveillés tôt, à notre grande surprise, il était entre 6h et 7h du matin. Il nous a alors dit qu’il est bien beau de s’amuser et de dormir tard, mais les responsabilités passent avant. Il a aussi ajouté que pour respecter les gens qui travaillent, il faut comprendre leur travail. Il nous a alors demandé de laver les vitres et les portes de la maison. Je peux dire qu’il y en avait de la vitre à laver!!

Humour

Quel homme merveilleux!! Le plus drôle est que certains étaient portés à le craindre, ou même avoir peur de lui, à cause de son charisme et de sa position de Chef de l’Etat. Pourtant, il disait souvent des choses tellement drôles qu’on pouvait pleurer de rires!! Alors nous aussi les enfants, on embarquait dans les taquineries. Il connaissait bien la thérapie du rire!!

Un jour, au parc de l’Akagera, arrivés à l’heure du repas, on s’est stationnés au beau milieu du parc, la famille, les militaires, mon oncle, tous confondus, certains assis par terre, d’autres sur des branches d’arbres mortes, on mangeait tous ensemble du pain, de la sardine, du corned beef. Moi, avec mon pain et ma sardine, j’ai dit : « Il manque du sel dans ma nourriture ». Et mon oncle de me dire tranquillement : « Tu sais, tu peux regarder parmi tous ceux qui sont ici celui qui a le plus transpiré et aller essuyer sa sueur avec ton pain, tu auras tout le sel dont tu as besoin. » Tout en m’expliquant le mécanisme de la transpiration, on s’est mis à rire… et j’ai mangé mon pain sans sel.

Il gardait sa rigueur malgré tout. Lorsqu’on a levé le campement, il s’est assuré lui-même qu’aucun de nos déchets non biologiques ne restait dans le parc. Comme dit plus haut, il avait un amour et un grand respect pour la nature.

Ceci est un merveilleux souvenir parmi tant d’autres que j’ai de mon oncle car il est vrai qu’écrire sur la vie de mon cher oncle prendrait toute une vie!!

Marie-Chantal Kamugisha

D'autres témoignages

Mon frère

Juvénal HABYARIMANA est né le 8 mars 1937 à RAMBURA,